
C’est le début de l’été. Ce ne sont pas les vacances. De toute façon en 1884 les congés payés n’existent pas encore.
Mais il fait beau, il fait chaud et tout le monde veut profiter de son dimanche sur les bords de Seine.
Les corps encore blancs, plus ou moins dénudés, attestent que ce sont les premiers jours au soleil et que les personnages, sans doute des ouvriers, n’ont pas l’habitude de s’y exposer. Les couleurs sont claires, comme dans un paysage frappé de lumière. Une fine aura blanche entoure même certains corps.
Comme écrasés par le soleil, les personnages sont étrangement calmes, immobiles. Pas de plongeon, pas de nage, pas de rires, ni de paroles entre eux. La plupart de ces hommes, car ce sont tous des hommes, regardent la rive d’en face mais quoi ? On ne peut le dire car nous ne le voyons pas. Un jeune garçon siffle, semblant appeler quelqu’un qui se trouve de l’autre côté.
Sur la Seine, c’est presque un autre monde mais tout aussi calme, celui des bourgeois qui font du bateau à voile ou se font promener en barque comme cet homme en haut-de-forme et son épouse dissimulée sous une ombrelle.
Un léger voile recouvre l’atmosphère, peut-être dû aux fumées des usines que l’on voit au loin s’échapper des cheminées, ou à la vapeur des trains qui circulent sur le pont ferroviaire en arrière-plan.
Si le thème de la baignade et du canotage sur la Seine est fréquent chez les impressionnistes, le jeune Seurat, âgé de 25 ans, s’éloigne de la technique de ses prédécesseurs. Il ne peint pas sur le motif mais réalise une dizaine d’études pour cette grande toile de 2 m sur 3, qu’il n’aurait pas été aisé d’installer sur les bords de l’eau. De plus, il initie la technique du divisionnisme qui consiste à réaliser de petits points de couleur juxtaposés que l’oeil, à une certaine distance, recompose et mélange à la place du pinceau.
Refusé au Salon officiel, Seurat expose sa toile au premier Salon des Indépendants dont il est un des membres fondateurs. Mais même là-bas elle dérange par ses grandes dimensions et est reléguée… à la buvette ! Alors rafraîchissante, cette œuvre ?
Où voir l’oeuvre : National Gallery, Londres.