La Gradiva

Il est des femmes qui sont plus que des muses. Elles laissent dans leur sillage un parfum de mystère qui ne cesse de hanter l’imaginaire des artistes. Il en va ainsi de la Gradiva…

La Gradiva, c’est le surnom donné à cette femme. Elle avance, première d’une Triade, dans ce que l’on nomme le bas-relief des Aglaurides, sculpté au IIe siècle avant J.-C. et s’inspirant sans doute d’un modèle grec du IVe siècle avant J.-C.

Dans la mythologie grecque, les Aglaurides sont trois soeurs à qui Athéna confie un coffret contenant l’enfant illégitime qu’elle a eu avec Héphaïstos. Bien sûr, il leur est interdit d’ouvrir le coffret. Mais une fois de plus, la légendaire curiosité féminine les pousse à désobéir : elles sont alors la proie de terribles visions qui leur découvrent un enfant monstrueux. Devenues folles, elles se jettent du haut de l’Acropole d’Athènes.

Mais ce n’est pas cette légende qui fera la célébrité de ce bas-relief, c’est un livre. En 1903, l’écrivain allemand Wilhelm Jensen écrit une nouvelle intitulée  » Gradiva – fantaisie pompéienne ». Son héros, un archéologue, se procure le moulage d’un bas-relief conservé au musée Chiaramonti au Vatican, celui de la première des Aglaurides. Il est fasciné par cette femme qu’il surnomme la Gradiva, celle qui marche. Elle l’obsède tant qu’il la voit dans un rêve étrange, à Pompéi où il essaie en vain de la prévenir de l’éruption du Vésuve. Très ébranlé par son rêve, il se rend à Pompéi où il découvre une jeune femme qui ressemble à la Gradiva.

Cette histoire, où se mêlent rêve et réalité, ne pouvait que séduire Sigmund Freud qui suspend un moulage de ce bas-relief dans son cabinet viennois, près de son célèbre divan. Il écrit une analyse du récit de Jensen dans laquelle il compare la psychanalyse à un travail archéologique qui viendrait exhumer les vestiges d’un passé refoulé.

La fascination pour la Gradiva gagne alors les Surréalistes, passionnés par le travail de Freud sur l’inconscient et les rêves. Dali réalise ainsi plusieurs tableaux représentant la Gradiva, André Masson la peint éventrée et désarticulée à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Giacometti, alors proche des Surréalistes, fixe sa marche dans une sculpture : « La femme qui marche » précède en effet les célèbres sculptures de « L’homme qui marche » réalisées par l’artiste suisse.

Est-ce sa démarche hiératique ou le mystère de sa destination qui séduit les artistes ? Est-ce parce qu’elle caresse nos fantasmes qu’on voudrait la suivre ? Ou parce qu’elle fait remonter en nous un souvenir enfoui ? Ou bien veut-on seulement savoir jusqu’où elle peut nous mener ?

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