La cruche cassée – Jean-Baptiste Greuze

Nous sommes au XVIIIe siècle, sous l’impulsion de certains philosophes, comme Diderot et surtout Rousseau, le regard sur l’enfant est en train de changer. Il n’est plus considéré comme un adulte miniature ou un être fragile qui risque de mourir à tout moment et auquel il ne faudrait surtout pas s’attacher. Il devient une personne à part entière et le centre des préoccupations morales et sociales. 

Greuze s’intéresse particulièrement au passage délicat de l’enfance à l’âge adulte, qui portera plus tard le nom d’adolescence. 

Une jeune fille au teint pâle et aux joues très roses porte à son bras droit une cruche éventrée. Elle tient dans sa robe blanche, qu’elle relève sur son ventre, une brassée de fleurs. Les  a-t-elle cueillies pour se faire pardonner sa maladresse ? A sa gauche, la fontaine ornée d’une tête de bélier et d’une statue de lion ne lui sera plus d’aucune utilité. 

Mais à y regarder de plus près, ce tableau nous raconte peut-être une autre histoire… La cruche éventrée, la robe chiffonnée, le sein qui s’échappe du décolleté, la robe relevée, les deux mains sur le bas-ventre qui dessinent un pubis, les fleurs coupées, le rose des fleurs qui colore sa robe blanche sont autant de symboles…de la défloration. En ce siècle de libertinage, sur ce tableau commandé par Madame du Barry, la maîtresse de Louis XV, Greuze multiplie à plaisir les signes que cette jeune fille vient de devenir une femme. 

Mais le plus troublant est sans doute le visage de la jeune fille. Difficile de percevoir le sentiment qui s’en dégage… Son regard semble un peu perdu dans le vague. Et rien ne révèle la joie des premiers émois. 

Quelques années avant Laclos et ses « Liaisons dangereuses », quelques années avant Sade, ces auteurs qui mettront en danger la vertu des jeunes filles, Greuze évoquerait-il un viol ? Regardez l’inquiétante fontaine où la jeune fille devait remplir sa cruche : la sombre statue à tête de lion, avec son jet d’eau continu, a d’inquiétants traits humains, masculins…

Ce tableau vous a plu, intrigué, et vous voulez en savoir plus sur la manière dont Greuze représente l’enfance ? Rendez-vous à l’exposition qui lui est consacrée au Petit Palais du 16 septembre 2025 au 25 janvier 2026.

Où voir l’œuvre : Musée de Louvre

Laisser un commentaire