L’Atelier – Gustave Courbet

L’atelier de Gustave Courbet

Dans ce tableau aux dimensions gigantesques (3,61 par 5,98 mètres), le peintre réaliste provoque ses contemporains en adoptant le format d’un tableau d’histoire, genre par excellence, pour peindre une scène de genre bien moins cotée : un artiste dans son atelier.

Mais il est vrai qu’il y a du monde sur ce tableau ! Mis en valeur au centre, peignant à côté d’un modèle nu, Courbet se représente lui-même dans un de ces autoportraits dont il est coutumier. Comme il l’explique lui-même, il figure à sa droite, « « à droite tous les actionnaires, c’est-à-dire les amis, les travailleurs, les amateurs du monde de l’art. ». Se trouve « à gauche, l’autre monde de la vie triviale, le peuple, la misère, la pauvreté, la richesse, les exploités, les exploiteurs, les gens qui vivent de la mort » : un curé, un chasseur, un croque-mort…qu’il a l’humour de représenter sous des traits de personnalités de l’époque (Garibaldi, le journaliste Emile de Girardin ou même Napoléon III) !

Mais dans ce tableau, le plus intéressant n’est pas qui on voit. C’est bien plutôt qui on ne voit plus…

A droite, lisant, se trouve Charles Baudelaire, le poète ami de Courbet. Regardez-bien à sa gauche, entre lui et la porte, apparaît une figure fantomatique. C’est Jeanne Duval, une actrice mulâtresse, la muse de Baudelaire surnommée « La Vénus noire », celle qui lui a inspiré ses plus beaux poèmes sur l’exotisme, la sensualité et…la cruauté des femmes.

Cette silhouette de Jeanne qui semble vouloir s’extraire de l’ombre, c’est ce qu’on appelle en peinture un repentir : Gustave Courbet l’a peinte… puis effacée. C’est sans doute Baudelaire lui-même qui le lui a demandé, suite à l’une de ses nombreuses disputes avec sa maîtresse.

Les aléas des relations amoureuses changeraient-ils donc le cours de l’histoire de la peinture ?

Oui, et Gustave Courbet a déjà effacé ainsi une ancienne amante de l’un de ses tableaux. « L’homme blessé » (encore un autoportrait), qui représente un homme allongé, une tache de sang au niveau du cœur et une épée à ses côtés, était à l’origine… un homme endormi dans une tendre sieste, une femme sur son épaule… Il s’agissait de sa compagne, Virginie Binet, mais lorsque cette dernière l’a quitté, il l’a supprimée du tableau et exprimé symboliquement toute la souffrance amoureuse qu’elle lui avait infligée.

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