
Âmes sensibles, s’abstenir : vous êtes devant l’un des tableaux les plus érotiques du XIXe siècle.
Édouard Manet, le dandy rebelle, le peintre des scandales (Olympia, Le déjeuner sur l’herbe) représente ici Berthe Morisot. La première femme peintre du mouvement impressionniste qui naîtra deux ans après cette toile, en 1874, accepte de jouer les modèles pour son ami Manet. Celui-ci réalisera 14 portraits d’elle, presque toujours en robe noire, la couleur fétiche du peintre.
La complicité est palpable entre les deux artistes qui se sont rencontrés au Louvre. Berthe Morisot copiait les grands maîtres et Édouard Manet fut d’abord plus sensible à sa beauté qu’à ses talents artistiques.
Dans ce tableau, Berthe Morisot, les jambes croisées, dévoile une cheville, la partie du corps féminin la plus érotique à l’époque. Elle montre aussi ses petits souliers roses, offrant négligemment son pied à la chaleur qui s’échappe de la grille de chauffage. Vous souvenez-vous du petit soulier rose qui s’envole du pied de la jeune femme à la balançoire dans « Les heureux hasards de l’escarpolette » de Jean-Honoré Fragonard? Eh bien une légende a longtemps prétendu que le peintre du XVIIIe siècle était l’aïeul de Berthe Morisot !
Regardez aussi comme l’élégance de la robe noire contraste avec le voile tout en transparence des manches ou comme la carnation du cou est rehaussée par le collier de velours.
Le jeu de séduction ne s’arrête pas là : Berthe Morisot se cache d’un air mutin derrière son éventail mais celui-ci ne parvient pas à dissimuler l’intensité de son regard sombre. L’écrivain Paul Valéry, qui épousa la nièce de Berthe Morisot, nous apprend que Manet la représentait toujours avec les yeux noirs alors qu’elle les avait verts.
Mais quelle fut la nature de la relation entre Édouard Manet, qui était marié, et Berthe Morisot ? C’est l’un des secrets les mieux gardés de l’histoire de l’art, la correspondance, pourtant abondante, de Berthe Morisot étant dépourvue de détails à ce sujet. Comme si la famille avait fait disparaitre les lettres les plus compromettantes… Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’en 1874 Berthe Morisot épouse Eugène Manet, le frère d’Édouard. Ensemble, ils eurent une fille, Julie, l’enfant la plus représentée par les peintres impressionnistes… mais ça, c’est une autre histoire…
Où voir l’œuvre : Musée d’Orsay, Paris.