Le peintre du XVIIe siècle représente ici un paysage d’Arcadie, région montagneuse du Péloponnèse, réputée dès l’Antiquité pour sa douceur de vivre. Loin de l’agitation des villes et des ports, les bergers y mènent une existence paisible et heureuse, en parfaite harmonie avec la nature. C’est un peu le Paradis sur terre…
Dans la lumière mélancolique du soir qui tombe, trois hommes et une femme entourent un tombeau qu’ils examinent attentivement. L’un, s’aidant de son doigt, déchiffre une inscription latine gravée sur le tombeau : « Et in Arcadia ego ».
Souvent traduite par « Je suis aussi en Arcadie », cette inscription ferait parler la mort par-delà le tombeau. Comme les vanités, genre en vogue à l’époque, cette toile nous invite donc à envisager notre condition de mortel. Même si la vie est douce, si elle nous comble de bonheur, en Arcadie comme ailleurs la mort rode.
Regardez d’ailleurs l’ombre du bras du berger qui déchiffre l’inscription ? Elle n’est pas du tout exacte ! Et pourtant ne vous evoque-t-elle rien ? L’ombre d’une faux, image traditionnelle de la mort …
L’inscription et le tableau ont donné lieu a bien des interprétations. Ainsi l’un des nombreux anagrammes que l’on a voulu voir dans l’inscription est « I ! Tego arcana dei », « Va ! Je possède le secret de Dieu ». D’autres voient dans la femme une représentation de Marie-Madeleine qui découvre le tombeau du Christ, vide. On pourrait écrire un « Poussin code », comme il existe un « Da Vinci code »…
Pour certains, le tableau dissimulerait de précieux secrets. Ainsi l’abbé Saunière, ce curé de Rennes-le-Château dans l’Aude, devenu mystérieusement riche, aurait acquis une copie de ce tableau. Le paysage à l’arrière-plan ressemblerait étrangement à celui des alentours de Rennes-le-Château…
Avez-vous remarqué que l’un des bergers montre l’ombre de celui qui déchiffre l’inscription ? On peut y voir une allusion à l’invention de l’art, telle qu’elle est racontée par Pline l’Ancien dans son « Histoire naturelle ». Afin de conserver l’image de son amant, la fille du potier Dibutade trace son profil sur un mur…en suivant le contour de son ombre. Puis son père place de l’argile sur ce contour. Ainsi serait né le premier portrait en bas-relief.
Alors cette ombre portée sur le tombeau serait-elle l’espoir que l’art peut transcender la mort, fixer à jamais le souvenir de nos chers disparus et apaiser notre peine et nos angoisses ?