Le Cri – Edvard Munch

Représenter un cri assourdissant au moyen de cet art du silence qu’est la peinture, telle est la gageure de Munch dans ce tableau.

Le visage dont la bouche est déchirée par un cri semble se tordre sous l’effet de l’angoisse.

Et pourtant si ce n’était pas le personnage qui criait. S’il se bouchait au contraire les oreilles pour tenter d’atténuer un bruit effroyable.

Mais quel bruit ? C’est dans son journal, à la date du 22 janvier 1892, que le peintre norvégien semble nous livrer les clés de ce tableau.

« Je me promenais sur un sentier avec deux amis — le soleil se couchait — tout d’un coup le ciel devint rouge sang. Je m’arrêtai, fatigué, et m’appuyai sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville — mes amis continuèrent, et j’y restai, tremblant d’anxiété — je sentais un cri infini qui passait à travers l’univers et qui déchirait la nature ».

Le cri de Munch serait donc extérieur au personnage. Et regardez en effet comme le paysage semble vibrer sous l’effet de ses coups de pinceaux sinueux.

Un cri terrible, un ciel rouge sang, Munch est-il victime d’une crise d’angoisse ? Il faut dire que le peintre, malmené par la vie depuis l’enfance (il a perdu sa mère et sa sœur de la tuberculose), est souvent en proie à la dépression.

Pourtant, des astrophysiciens américains ont avancé une tout autre hypothèse : le 27 août 1883, le volcan Krakatoa entre en activité en Indonésie. Le bruit de l’éruption s’entend à 4800 kilomètres à la ronde et les cendres volcaniques envahissent l’atmosphère, jusqu’en Europe du Nord.

Bon, voilà qui expliquerait l’étrangeté du paysage mais il faut tout de même reconnaître que le personnage aussi a un visage singulier. Mais là encore, il semblerait qu’il ne soit pas seulement le produit d’une âme torturée. En 1889, lors de l’exposition universelle de Paris, Munch voit une momie péruvienne. Recroquevillée, elle tient sa tête entre ses mains et sa bouche paraît déformée par un cri. Cette momie d’un jeune homme, probablement victime d’une pneumonie, cristallise toutes les angoisses de Munch face à la mort et produit un tel effet sur le peintre qu’il s’inspire de sa position autant que de la couleur de sa peau lorsqu’il réalise la figure centrale du Cri. 

Lorsque le tableau paraît, il ne manque pas de détracteurs. La version du Nasjonalmuseet de Norvège porte même une étrange mention : « Ne peut avoir été peint que par un fou ». Qui a osé profaner ainsi l’oeuvre du maître de l’expressionnisme ? Des analyses ont révélé que cette phrase aurait été écrite… par Munch lui-même. Jolie façon de prévenir la critique et de s’en moquer !

La culture populaire, quant à elle, a bien su  reconnaître la puissance de ce cri. Du masque du film d’horreur « Scream » à l’emoji 😱, en passant par les biscuits apéritif si bien nommés Monster Munch, le cri du peintre norvégien ne cesse de hanter notre imaginaire.

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