L’Île des morts – Arnold Böcklin

Il est parfois des rencontres troublantes.

Florence, 1880… Alors qu’elle a perdu son époux et qu’elle souhaite quelques années plus tard se remarier avec le comte Waldemar d’Oriolo, Maria Berna vient trouver le peintre suisse allemand Arnold Böcklin dans son atelier. Elle veut lui commander « un tableau pour rêver », un tableau qui lui permettra de se souvenir avec sérénité de son défunt mari mais aussi… de le laisser partir. Dans l’atelier du peintre, une toile interpelle la jeune veuve : au crépuscule, une île aux parois rocheuses escarpées et percées de cavités mortuaires avec, en son centre, un bouquet de cyprès, se dresse au milieu d’une eau calme. Elle demande au peintre d’ajouter une barque transportant son mari vers cette île. 

C’est ainsi que naît la deuxième version du tableau. Dans la barque, un homme en noir rame, tel Charon, le passeur des Enfers. A l’avant, une figure pâle et fantomatique dont la blancheur se détache sur le noir des cyprès. C’est le mort. Sorti de son cercueil posé devant lui, il observe sa destination finale. 

Le silence est à la fois solennel et pesant. Pas un oiseau pour fendre l’air d’un coup d’aile ou d’un cri, pas un souffle de vent pour agiter les branches des cyprès ou faire ondoyer l’eau. Regardez, même les rames et le bateau qui avance ne produisent la moindre ride à la surface de l’eau. Le temps retient son souffle, comme suspendu entre la vie (le défunt debout se comporte encore comme un vivant) et la mort…

Pourtant, en 1909, ce tableau inspire au compositeur russe Rachmaninov un poème symphonique. Suivez ce lien et rêvez à votre tour sur ce tableau mis en musique…  https://youtu.be/IT62nhLbrH0?feature=shared.

En 1883, Böcklin peint une troisième version. Ce n’est plus la nuit. Une lumière blafarde éclaire le tableau et l’île des morts s’étire sur toute la longueur de la toile, vers le bas dans ses reflets dans l’eau, vers le haut car ses falaises sont devenues plus hautes. L’île bouche l’horizon sans espoir jamais d’eb réchapper. A partir de cette version, à l’extrémité droite de la toile, les initiales de l’artiste, A.B.,  sont gravées sur une des chambres funéraires. L’oeuvre fut acquise par Hitler.

Böcklin peindra encore deux autres versions : une qui sera détruite par les bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale et cette dernière qui illustre l’article.

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