Le titre nous révèle d’emblée les raisons de l’attitude prostrée du protagoniste : près de sa compagne qui dort, il se demande comment joindre les deux bouts, la misère règne dans cet intérieur miteux de Camden Town, quartier de Londres où s’est installé l’artiste en ce début de XXe siècle.
Mais cette lecture ne s’arrête pas là car le peintre a renommé son tableau qui s’intitule désormais The Camden Town Murder. Regardons en effet de plus près la femme : son cou est verdâtre, son visage très rouge et la lumière rehausse la pâleur de son corps. Et si l’homme était en réalité un assassin prostré à côté de sa victime ?
Lorsque Sickert renomme son tableau, Londres est sous le choc d’un horrible meurtre qui s’est déroulé à Camden Town en 1907. Une prostituée, Emily Dimmock, a été retrouvée la gorge ouverte d’une oreille à l’autre. Ce meurtre réveille le terrible souvenir de Jack l’Éventreur qui terrorisa la ville dans les années 1880 et dont on ignore toujours l’identité.
Stickert aime peindre les bas-fonds londoniens, leurs habitants et notamment les prostituées. Les femmes allongées, comme mortes, aux contours et visages flous que son pinceau impressionniste rend inquiétant, sont un sujet récurrent dans ses tableaux, presque obsessionnel.
Il n’en faut pas plus à certains pour faire du peintre le meurtrier d’Emily et Jack l’Éventreur lui-même. Ainsi, la romancière américaine Patricia Cornwell aurait dépensé plusieurs millions de dollars pour acquérir des tableaux de Sickert, la correspondance de Jack l’Éventreur et prouver la culpabilité du peintre. Cette thèse a depuis été réfutée.