Si l’on ignore qui est ici le modèle deTamara de Lempicka, on ne peut s’empêcher de penser aux icônes du cinéma de l’entre-deux-guerres, comme Marlène Dietrich ou Greta Garbo, que la peintre admire. Pose et maquillage glamour, robe de femme fatale, gants et chapeau blancs, lumière de projecteur qui éclaire la peau : tout y est !
Sa fascination pour le cinéma, Tamara la partage avec sa sœur Adrienne, Ada de Montaut, architecte spécialisée dans la création de salles de projection.
Tamara de Lempicka est une artiste ambitieuse : « Je veux qu’au milieu de cent autres, on remarque une de mes œuvres au premier coup d’œil. » Et en effet, sa peinture art déco d’inspiration cubiste (Tamara a été l’élève d’André Lhote) est aisément reconnaissable par les couleurs vives que viennent sublimer les jeux de lumière et les formes géométriques. Observez la forme conique des seins ou encore les boucles des cheveux.
Mais ce qui est plus étonnant, c’est que cette artiste emblématique des Années Folles, cette femme si moderne par sa peinture comme par la liberté de ses moeurs (elle conduit, s’attable seule à la terrasse des cafés et affiche ses maîtresses), s’inspire tout autant du maniérisme d’un Botticelli. D’ailleurs, ce tableau ne serait-il pas une nouvelle « Naissance de Vénus » ? Certes, cette blonde aux yeux bleus, comme son modèle italien, a les lèvres plus rouges et les boucles plus franches. Mais n’est-ce pas le même vent qui anime les deux toiles ? La jeune fille en vert doit tenir son chapeau de peur qu’il ne s’envole. Tamara de Lempicka donne surtout la même pose à son modèle, le contrapposto, qui rend le personnage plus vivant par une habile torsion du corps. Oui mais Vénus est nue, me direz-vous. Et pourtant cette robe dévoile le corps du modèle plus qu’elle ne le cache, de la pointe des seins au creux du nombril. Et c’est la même main qui cache (pudiquement ?) le sexe…
Même le vert de la robe évoque l’arrière-plan du tableau de Boticelli.
Avec sa jeune fille en vert, Tamara de Lempicka propose une renaissance de Vénus, Vénus des temps modernes aux allures de femme fatale et aux désirs qui portent en eux des parfums de scandale…
Merci infiniment pour ce pure régal que vous m’offrez chaque semaine. Sarah Vaquant