Sylvia Roustant <syroustant@gmail.com> | 09:19 (il y a 39 minutes) | ||
À moi |
Malgré la forme circulaire de cette huile sur panneau, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette oeuvre de Bosch !
Peinte en 1494, elle met en scène une lithotomie (en grec lithos signifie la pierre), c’est-à-dire une trépanation destinée à extraire du cerveau du patient une pierre, responsable de sa folie. Âme sensible, s’abstenir !
Et pourtant, ce n’est pas dans la tête du patient que cela ne tourne pas rond selon Bosch. C’est le monde qui est devenu fou, d’où la forme circulaire de l’image. Le monde qui croit aveuglément aux supercheries des charlatans et même des religieux !
Le médecin, un barbier « tailleur de pierre » qui incise le crâne de sa crédule victime, porte un entonnoir renversé sur la tête. Cet entonnoir qui deviendra plus tard le symbole du fou est alors sur la tête de celui qui le soigne. L’entonnoir est normalement le symbole des connaissances que le savant déverse dans le cerveau de ses disciples. Mais ici il est à l’envers indiquant que le savoir est fallacieux. Le livre fermé et en équilibre sur la tête de la religieuse a la même signification. Religieux et charlatan participent à la même tromperie : le moine tenant une aiguière peut-être remplie de vin, conformément au cliché du moine ivrogne, semble prêcher les bienfaits de l’opération. L’anticléricalisme de Bosch est sans doute inflencé par les courants préparant la Réforme qui se développent alors en Flandres.
Le patient nous lance un regard plein d’inquiétude. La bourse qu’il porte à son côté suggère la véritable raison de cette opération : le chirurgien et le clergé en veulent à son argent !
Et regardez comme Bosch dénonce la supercherie : ce n’est pas une pierre que l’on extrait de sa tête mais une fleur, sans doute un nénuphar plutôt qu’une tulipe, fleur qui n’apparaît en Europe qu’au XVIe siècle.
Si les peintres à avoir représenté cette terrible opération sont nombreux, ils nous trompent à leur tour car il semble qu’elle n’ait en réalité jamais été réalisée.
La duperie est un thème cher à Bosch qui l’a également représenté sur son tableau « L’escamoteur »… où se trouve aussi un moine. Pour découvrir le secret caché derrière cette autre oeuvre de Bosch, rendez-vous sur la page : https://lesecretderriereletableau.fr/lescamoteur-jerome-bosch
Et comme plus on est de fous, plus on rit, retrouvez « La lithotomie » de Bosch et bien d’autres œuvres qui mettent en scène la folie dans l’exposition « Figures de fous du Moyen-Age aux Romantiques », actuellement au Louvre.
Où voir l’œuvre : Musée du Prado, Madrid.
Bonjour, y a-t-il une explication sur le fait de représenter cette scène en l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur d’une habitation ? D’autre part, le « patient » porte un instrument avec sa sacoche, cela a probablement une signification également ? Son métier ou un lien avec la scène ? Merci
Bonjour,
Oui, les opérations étaient réalisées à l’extérieur. Les praticiens, surtout les charlatans, n’avaient pas de cabinet et allaient à la rencontre des patients, parcourant la campagne et lors de foires, de marchés par exemple.