En réalité cette oeuvre n’est pas un tableau mais une miniature qui illustre l’un des plus célèbres manuscrits du Moyen-Âge, « Les très riches heures du duc de Berry ».
Un livre d’heures est un livre de prières destiné aux laïcs. Le duc de Berry, mécène et collectionneur insatiable, commande celui-ci à trois peintres néerlandais, les frères de Limbourg, Hermann, Paul et Jean.
Composé de 206 feuillets en vélin de 21 cm de large et 29 cm de haut (soit à peu près le format A4), il s’ouvre comme tous les livres d’heures par un calendrier illustré de scènes de la vie quotidienne.
Puis viennent les prières illustrées d’épisodes religieux.
La Nativité illustre la prière de prime, la première heure du jour. La naissance du Christ est donc associée symboliquement à la naissance d’un nouveau jour que Jésus vient éclairer de sa lumière. Regardez en effet comme la paille sous l’enfant Jésus brille comme de l’or. Surtout, des rayons lumineux, d’où semble s’échapper la colombe du Saint-Esprit, émanent de la bouche de Dieu le père et descendent jusqu’au fils : le Verbe se fait chair. Ces rayons relient ainsi les trois formes du divin. Ce qui fait la richesse de ces « très riches heures », ce sont notamment les couleurs. Car il s’agit bien ici d’or. Quant au bleu profond que l’on trouve sur la robe de Marie, sur les anges qui tournoient autour de l’enfant ou sur ceux qui entourent en rangs serrés Dieu le père, il est composé de lapis-lazuli broyé venu du Moyen-Orient.
Derrière les rayons d’or, les artistes représentent avec minutie et précision les tours de Bethléem. Très sensibles à l’architecture, ils ont laissé de très précieux témoignages des constructions de leur temps en figurant sur les miniatures du calendrier des châteaux tels que ceux de Vincennes ou du Louvre.
Aux couleurs flamboyantes associées au divin (or, bleu et même rouge des séraphins qui entourent Dieu), s’oppose un camaïeu de brun pour le monde terrestre qui est représenté avec beaucoup de réalisme : les paysans, les animaux, l’étable, l’arbre tortueux et nu de l’hiver composent le paysage de nos campagnes médiévales.
Les anges qui chantent à gauche ou celui qui annonce la bonne nouvelle aux paysans à droite font le lien entre le divin et l’ici-bas.
La même année, en 1416, les frères Limbourg et le duc de Berry meurent et le manuscrit reste inachevé. D’autres artistes le complèteront. Ce trésor tombe ensuite dans l’oubli avant d’être redécouvert par le duc d’Aumale au XIXe siècle. Aujourd’hui, vous pouvez l’admirer au musée Condé à Chantilly.