La ronde de nuit – Rembrandt

Ce tableau est une commande du capitaine de la garde civique d’Amsterdam, Frans Banning Cocq de ses dix-sept officiers. Ce portrait de groupe à leur effigie devra decorer la salle de banquet de leur quartier général. Mais attention seuls ceux qui auront déboursé 100 florins pourront reconnaître leur visage et avoir le privilège de voir leur nom inscrit sur le tableau, au-dessus de la porte.

Mais alors que cette garde est censée maintenir l’ordre dans la ville, l’impression qui se dégage de leur portrait est plutôt celle d’un immense chaos ! Chaque personnage a une position et une activité différentes, personne ne fait la même chose, personne ne regarde dans la même direction, même les costumes et les armes sont disparates. C’est un joyeux bazar ! 

Satire d’un corps armé peu efficace et qui n’a plus lieu d’être à une époque où le pays ne se bat qu’en mer, ce tableau s’amuse peut-être aussi de rumeurs qui courent dans Amsterdam. Regardez au premier plan, au centre : ceint d’une écharpe rouge qui souligne modestement son rang, c’est le capitaine Frans Banning Cocq. Une main tient une canne, l’autre est ouverte, paume vers le ciel : il avance avec calme, majesté et assurance. Pourtant remarquez l’ombre portée de sa main sur son lieutenant vêtu de blanc. Ne suggère-t-elle pas des relations intimes entre les deux hommes, se faisant l’écho des ragots ? A moins que l’ombre de la main ne désigne simplement les armes d’Amsterdam sur les broderies du lieutenant… 

Et que vient faire, baignée de lumière dans l’obscurité ambiante, cette petite fille blonde au milieu des gardes ? Serait-elle leur mascotte ? Le poulet et la corne qu’elle porte sont en effet les symboles de cette compagnie d’arquebusiers. Mais la bourse et le poulet plumé ne sont-ils pas ironiques sous le pinceau de Rembrandt qui les a délesté 1600 florins pour se faire ridiculiser ? Ou bien la jeune fille est-elle Saskia, la défunte épouse de Rembrandt, qui illumine une dernière fois un tableau du maître ?

Que d’ambiguïtés dans ce tableau et ce jusque dans son titre. Savez-vous que La ronde de nuit est en réalité une scène de jour ? Et si l’oeuvre est bien sombre, c’est à cause de son vernis, le bitume de Judée, qui s’assombrit avec le temps.

Et ce n’est pas la seule altération connue par ce tableau. Quand, en 1715, il est déplacé à l’hôtel de ville d’Amsterdam, il ne rentre pas, il est trop grand et ses bords sont alors découpés, faisant disparaitre des personnages. Aujourd’hui, c’est l’IA qui, grâce à une copie, a permis de reconstituer les pans manquants.

Enfin les braves miliciens du tableau subissent de terribles attaques contre lesquelles ils demeurent impuissants : en 1885 et 1975, la toile est attaquée à coups de couteau et, en 1990, un visiteur jette de l’acide sulfurique dessus.

Où voir l’oeuvre : Rijksmuseum Amsterdam

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