Mais quelle est cette drôle de nature morte minuscule (16,5 x 21,5 cm) composée d’une asperge, posée toute seule sur une table ?
Il est vrai que depuis le XVIIe siècle, les asperges, originaires du Proche-Orient, sont à la mode chez les peintres hollandais et Manet en a vu des représentations à Amsterdam mais elles sont alors mêlées à d’autres aliments dans les natures mortes du Siècle d’or hollandais.
En réalité, cette petite toile est le complément d’un tableau plus grand (44 x 54 cm) qui représente toute une botte d’asperges (voir ci-dessous).
Un tableau en complément d’un autre ? Oui, le collectionneur Charles Ephrussi avait commandé cette botte d’asperges au peintre Manet. Au lieu des 800 francs convenus, il lui en donne 1000. Et comme les bons comptes font les bons amis, Manet lui fait parvenir cette petite toile accompagnée d’un mot : « Il en manquait une à votre botte ».
Proust s’amuse de cette anecdote dans « Le côté des Guermantes » où Elstir, le peintre imaginé par l’écrivain, ressemble beaucoup à Manet :
« Swann avait le toupet de vouloir nous faire acheter une botte d’asperges. Elles sont même restées ici quelques jours. Il n’y avait que cela dans le tableau, une botte d’asperges précisément semblables à celles que vous êtes en train d’avaler. Mais moi je me suis refusé à avaler les asperges de M. Elstir. Il en demandait trois cents francs. Trois cents francs une botte d’asperges ! Un louis, voilà ce que ça vaut, même en primeurs ! «
Un dernier secret à propos de cette asperge ? C’est une asperge d’Argenteuil. Sa particularité ? Elle a la pointe violette, couleur que l’on obtient en exposant le bout à la lumière.