
En 1911, Matisse réalise une série d’intérieurs pour l’homme d’affaires et collectionneur russe Sergueï Chtchoukine. Dans ce tableau, l’artiste met en scène son atelier d’Issy-les-Moulineaux.
La dimension autobiographique de la toile dépasse la simple représentation d’un lieu familier. C’est une partie entière de son oeuvre, avant qu’elle ne soit dispersée chez différents acheteurs, que Matisse fixe dans une vertigineuse mise en abyme : un tableau de Matisse qui renferme 15 tableaux et sculptures de Matisse.
En plus des œuvres, des meubles, table, chaise, horloge, buffet, délimités par des traits jaunes se fondent dans les murs et le sol couleur rouge de Venise.
Mais pourquoi rouge ? Dans une première version, les murs étaient bleus rayés de vert, le sol était rose, les meubles ocre. La couleur effaçait la tristesse des murs gris de l’atelier. Un mois plus tard, Matisse revient sur ce tableau et, dans une sorte de pulsion qu’il ne sait pas lui-même expliquer, le recouvre de rouge. Gommant les perspectives, le rouge fait balancer la toile entre art abstrait et art figuratif et en fait surtout le premier monochrome de l’histoire de l’art.
Sergueï Chtchoukine ne lui achète pas le tableau. Il faudra attendre 16 ans pour qu’il trouve un acquéreur. Ce sera David Tennant, fondateur du Gargoyle Club à Londres, qui exposera « L’atelier rouge » dans une des salles de son club où se côtoient artistes et aristocrates dans la frénésie de la Belle-Epoque.
A partir de 1948, la toile, qui intègre d’ailleurs le MoMa l’année suivante, devient la coqueluche des artistes new-yorkais. Matisse se lance alors dans une série d’œuvres où le rouge domine dont « Le grand intérieur rouge ».
Où voir l’oeuvre : MoMa à New-York