Portrait(prémonitoire) de Guillaume Apollinaire – Giorgio de Chirico

« Le poète doit se faire voyant » écrivait Rimbaud. Et si les artistes avaient en effet la capacité de voir ce que nous ne voyons pas ?

Lorsque le peintre italien Giorgio de Chirico arrive à Paris en 1911, il se lie d’amitié avec Guillaume Apollinaire, poète mais également, on le sait moins, critique d’art. En 1914, il lui offre ce tableau intitulé « L’homme-cible ».

Apollinaire y est figuré en arrière-plan, tel une ombre chinoise, ou plutôt tel une cible. Le petit trou à l’épaule permet de fixer la silhouette sur laquelle on tire, tandis que le cercle blanc indique l’endroit où il faut viser.

Au premier plan, un buste sculpté à l’antique porte des lunettes de soleil. C’est Orphée, le premier poète de la mythologie. En 1908, Apollinaire a écrit un poème intitulé « Orphée » et, en 1912, il donne le nom d’orphisme à un courant artistique qui lie abstraction et musique. 

Mais pourquoi Orphée porte-t-il des lunettes de soleil ? Orphée super-star ? Non, Orphée aveugle, Orphée  prophète dont la cécité lui permet paradoxalement de voir au-delà de notre réalité, de voir au-delà de l’ici et du maintenant.

Apollinaire gardera toujours ce tableau auprès de lui. Mais en 1916 Apollinaire est sur le champ de bataille. Il est alors blessé par un éclat d’obus… à la tempe… exactement à l’endroit indiqué par la cible sur le portrait du Chirico. 

Dès lors, le tableau prend un autre titre :  » Portrait (prémonitoire) de Guillaume Apollinaire ». Et il devient un des symboles du tout jeune mouvement surréaliste qui attribue volontiers aux artistes des pouvoirs médiumniques. Et qui représentera souvent les personnages les yeux fermés, tournés vers leur intériorité profonde, sondant leur inconscient.

Où voir l’oeuvre ? Centre Pompidou, Paris.

Cet article a 2 commentaires

  1. Lehrand

    Je vais de ce pas reprendre les pinceaux pour prévoir l’avenir!

    1. Sylvia Roustant

      On a hâte de voir ce que vous nous prévoyez !

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