Le déjeuner – François Boucher

Une scène de petit-déjeuner en famille ? Quoi de plus banal en ce dimanche matin ? Et pourtant, en bien des points, ce tableau est loin d’être anodin !

L’œuvre est en effet un condensé des modes et idées nouvelles du XVIIIe siècle.

D’abord, la présence des enfants à table avec les adultes révèle leur nouveau statut au sein de la famille. Désormais, ils ne sont plus relégués auprès d’une nourrice ou d’une domestique. Ils ont toute leur place et peut-être même la première place comme en témoigne le jeune enfant, seul personnage qui nous regarde. 

Ensuite le lieu et sa décoration reflètent la mode du XVIIIe siècle. C’est en effet à cette époque que fut inventée la salle à manger. Dans cet intérieur bourgeois qui imite celui des aristocrates, c’est le style rococo, « rocaille » disait-on alors, qui domine : dorures, arabesques avec en leur centre un coquillage en haut du miroir, bougeoirs chantournés à côté de miroir et horloge aux arabesques complexes. Cette décoration est complétée d’objets orientaux qui traduisent les goûts exotiques de l’époque : la statue sur l’étagère à gauche, le vase sur la console au premier plan à gauche et la table en laque.

Ce déjeuner-même, qui nous paraît si normal et que nous appellerions aujourd’hui petit-déjeuner, est une nouveauté réservée aux classes privilégiées qui peuvent dormir le matin et prendre leur temps au réveil. Ce sont les Français et Louis XV en personne qui instituèrent l’usage de prendre une boisson chaude le matin. 

Mais quelle est cette boisson ? Le service précieux en porcelaine, l’objet que l’homme tient à la main, prêt à servir, pourrait être utilisé aussi bien pour le café que pour le chocolat, deux boissons arrivées récemment en France et très à la mode, au point qu’elles détrônent le thé. Regardez comme la théière semble en effet reléguée sur l’étagère. Le fait que l’homme semble regarder la petite fille à droite avec tous ses jouets laisserait penser que ce breuvage lui est destiné et qu’il s’agit donc de chocolat. Mais attention, au XVIIIe siècle, le chocolat n’est pas réservé qu’aux enfants. C’est une boisson…chaude, enfin aphrodisiaque. Les maîtresses de Louis XV, Madame de Pompadour, qui était la protectrice de François Boucher, et Madame du Barry en consommaient afin de s’échauffer le sang avant de rejoindre leur royal amant. 

Observez enfin l’homme qui fait le service. Il est jeune et porte un tablier. Ce n’est pas le père de famille mais un limonadier. Il était alors autorisé à vendre de la limonade, des tisanes, du café et du chocolat ainsi qu’à servir ces boissons.

Où voir l’œuvre : Musée du Louvre, Paris.

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