
« Les noces de Cana » c’est le plus grand tableau du Louvre (presque 7 mètres de haut pour 10 mètres de large) et paradoxalement sans doute le moins regardé ! En effet ses quelques 130 personnages, dont Jésus himself quand même, ne font pas le poids face à la Joconde dont le sourire mystérieux concentre tous les regards.
Cette scène de repas était destinée à décorer la salle à manger du couvent de San Giorgio Maggiore à Venise, comme La Cène de Léonard de Vinci décorait celle du couvent de l’église Santa Maria delle Grazie à Milan. Mais l’oeuvre de Véronèse est une huile sur toile, l’humidité de Venise étant peu propice aux fresques.
Chez Véronèse, il ne s’agit pas du dernier repas du Christ mais d’un autre épisode biblique, raconté dans l’Évangile de Jean. Invité avec sa mère à des noces à Cana, en Galilée, Jésus y accomplit son premier miracle : il transforme l’eau en vin quand ce dernier vient à manquer.
Jésus est au centre de la toile, auprès de sa mère dont le voile sombre préfigure le deuil de Marie à la mort de son fils. Les deux personnages, auréolés, sont situés à la frontière entre le monde céleste et le monde terrestre dont la séparation est matérialisée par la balustrade. En haut, le monde céleste avec un décor antique tel qu’on aime les représenter à la Renaissance, le ciel et même les oiseaux. En bas, une fête humaine, terrestre, dont le luxe n’évoque pas l’épisode biblique raconté mais la prospérité économique de la Sérénissime, la Venise de la Renaissance. Regardez les vêtements chatoyants et colorés, la vaisselle qui orne la table, les assiettes remplies.
Avez-vous remarqué, au premier plan à gauche, devant la table, le nain au turban qui tient un perroquet ? Il témoigne des échanges commerciaux intenses entre Venise et le reste du monde.
Observez le groupe des musiciens, au premier plan, au centre. Le peintre s’y est représenté lui-même en blanc avec d’autres amis peintres : le Tintoret, le Titien, Bassano. Ils sont devant Jésus tout de même !
Mais au fait, comment une œuvre aussi grande a-t-elle pu être ramenée de Venise au Louvre ? C’est en 1792 que le général Bonaparte s’en empare, comme prise de guerre à l’Italie. Elle voyagera pliée en 3 et roulée. En 1815, à la chute de Napoléon, les vainqueurs requièrent la restitution de toutes les œuvres spoliées par l’empereur déchu. Mais, trop grande pour être rendue et transportée sans risques, elle est échangée contre d’autres tableaux et précieusement gardée au Louvre.
Pourtant, si vous allez à Venise, dans le couvent de San Giorgio Maggiore, vous pouvez encore l’admirer. A la fois au Louvre et à Venise, cette toile aurait-elle le don d’ubiquité ? Jésus a-t-il multiplié « Les noces de Cana » comme les petits pains ? Et non, pas de miracle dans cette histoire, si ce n’est celui de la technologie au service de l’art. Dans les années 2000, l’artiste anglais Adam Lowe a scanné en 3D et reproduit dans son atelier madrilène la toile qui a ensuite été déposée à Venise… Et la copie y connait depuis paradoxalement un élan de ferveur plus important que l’original au Louvre.
Où voir l’œuvre : Musée du Louvre, Paris.
Noces de Cana
Avez-vous remarqué, au premier plan à gauche, devant la table, le nain au turban qui tient un perroquet ?En fait il s’agit d’un vrai « cabinet de curiosités avec également le petit homme noir , le nain , le perroquet ….