Commençons par quelques chiffres vertigineux. Le plafond de la chapelle Sixtine, c’est 40 mètres de long, 14 de large, 20 mètres au-dessus du sol. Michel-Ange peint debout, nuque cassée, sur un échafaudage accroché au mur tel un faux plafond. Un pont roulant permet à l’artiste de se déplacer. Michel-Ange va réaliser 350 figures sur 550 mètres carrés en 4 ans, de 1508 à 1512. L’artiste doit peindre vite car tel est le principe de la fresque : « a fresco » signifie que l’on peint sur un enduit frais, humide. Et pas de correction possible !
« La création d’Adam », réalisée en 16 jours, fait partie d’un ensemble de 9 fresques qui représentent la Genèse.
A gauche, sur la Terre représentée par l’herbe verte et l’eau bleue autour, Adam, dans sa nudité qui précède le péché originel tend son bras gauche, index pointé, vers Dieu. Le corps encore alangui comme en témoigne le coude au sol, Adam est tourné vers Dieu, dans cette position appelée contrapposto, caractéristique des statues de l’Antiquité et déjà imitée par Michel-Ange dans son David.
Dans un ciel bleu gris, Dieu, soutenu et poussé par des anges au visage joufflu, s’approche d’Adam enveloppé d’un grand voile rouge. Lui aussi tend son bras vers sa création. Les index sont proches mais ne se touchent pas. Dans ce geste désormais si célèbre, Dieu insuffle la vie à Adam. Geste si célèbre et par conséquent souvent imité : souvenez-vous de l’affiche du film E.T. et du doigt de l’enfant qui touche celui de l’extra-terrestre…
Sur cette fresque, le Créateur et la créature se ressemblent : Dieu est représenté comme un homme. Et cette ressemblance est accentuée par l’effet de miroir dans la position des corps. La Bible ne dit-elle pas en effet que Dieu a créé l’homme à son image ?
Admirez la parfaite musculature des corps. Michel-Ange a acquis sa connaissance du corps humain en disséquant des cadavres dans les hôpitaux de Rome et de Florence alors que l’Eglise interdit cette pratique.
Certains vont même plus loin, voyant dans cette fresque une étrange planche anatomique. Observez le voile rouge autour de Dieu. Pour certains, ce serait un utérus dont le voile vert qui flotte vers le bas serait le cordon ombilical. Un utérus pour une scène de création, cela se défend !
Mais un gynécologue y a vu une coupe de cerveau. Le doigt de Dieu ne transmettrait pas la vie (il est vrai qu’Adam a déjà l’air bien vivant) mais les facultés intellectuelles.
Lors de la restauration de la fresque dans les années 1980, un personnage, qui réapparaît plus nettement sous le bras gauche de Dieu, étonne. C’est une femme ! Mais que fait-elle là ? Ève n’a-t-elle pas été créée après Adam ? Peut-être Michel-Ange signifie-t-il ainsi que le projet de création de la femme a toujours été là. Une autre explication fait de cette figure une allégorie, celle de la sagesse qui préside à la création de l’homme.
Où voir l’oeuvre : Chapelle Sixtine, Vatican.