La dame à la licorne – Raphaël

Ah ! l’art et ses beautés immuables qui traversent les siècles fixées à jamais par le génie de l’artiste !

Et pourtant certains tableaux ont bien changé au cours du temps : changé d’apparence, de motifs, de sens et même… de créateurs !

Peint en 1505-1506, ce tableau a d’abord été attribué au Pérugin, à Francesco Granacci, à Ridolfo del Ghirlandaio avant d’être attribué enfin à Raphaël, en 1928, par le critique d’art Giovanni Morelli qui l’a rapproché d’un dessin de Raphaël conservé au Louvre et qui en serait le dessin préparatoire.

Avec cette femme de 3/4 qui fixe le spectateur, située devant une balustrade qui surplombe un paysage de monts et de lac, ce portrait ne vous est-il pas étrangement familier ? Eh oui,  l’artiste qui vivait à Florence en même temps que Leonardo de Vinci s’est probablement inspiré de la Joconde !

Ce tableau est sans doute un portrait destiné à vanter la beauté et les qualités d’une jeune femme à marier. Le modèle ne porte pas d’alliance et ses attributs révèlent ses vertus. Le rubis que la jeune fille porte autour du cou symbolise en effet la charité et l’amour divin et la perle sous le rubis est un symbole de chasteté traditionnellement attribué à la Vierge Marie. L’animal imaginaire qu’elle tient dans ses bras, peu commun pour un tel portrait, a pourtant aussi une valeur symbolique. Selon les légendes médiévales, les licornes ne se laissaient approcher que par des jeunes filles vierges.

Pourtant au début du XXe siècle, le tableau ne ressemblait pas du tout à cela. Environ 40 ans après sa réalisation, un peintre inconnu a transformé pour un propriétaire inconnu la jeune femme en Sainte Catherine d’Alexandrie, lui jetant pudiquement un manteau sur les épaules. A la place de la licorne, une roue dentée et une feuille de palme, les attributs de la sainte. Cette dernière à la sagesse et à l’éloquence extraordinaires refusa d’être la compagne de l’empereur Maxence, affirmant n’avoir que Jésus comme époux. Furieux, l’empereur la jeta en prison et lui fit subir le supplice de la roue dentée. 

C’est dans les années 30 qu’on supprima les repeints pour faire réapparaître la licorne d’origine. Enfin d’origine, pas tout à fait…

En 1959, à l’occasion d’une autre restauration, le tableau est passé aux rayons X et… un chien apparaît sous la licorne ! Le chien est souvent dans ce type de portraits un symbole de fidélité conjugale et fait toujours de la jeune femme une future épouse de premier choix.

Mais qui est cette jeune femme si pleine de vertus qu’on l’a assimilée à une sainte ? Là aussi les interprétations sont fluctuantes. Est-ce Maddalena Strozzi, l’épouse d’Agnolo Doni, dont le dessin de Raphaël conservé au Louvre serait une esquisse ? Est-ce  Caterina Gonzaga de Montevecchio, réputée pour ses cheveux blonds, ses yeux bleus et sa peau blanche, qui la distinguent des beautés ténébreuses méditerranéennes ? Ou est-ce Giulia Farnèse, la maîtresse du pape Alexandre VI, dont la famille a pour emblème une licorne ?

En tout cas voilà un tableau qui n’a rien à envier à la Joconde pour son mystère…

Où voir l’oeuvre : Galerie Borghèse à Rome.

Cet article a 2 commentaires

  1. Valot Laurent

    Merci beaucoup pour vos informations sir ce magnifique tableau.

    1. Sylvia Roustant

      Avec plaisir, Laurent Valot !

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