Cette sculpture, en plâtre à l’origine, était destinée à orner une cheminée et était située entre deux vases en forme de chauve-souris.
En 1831, en pleine période romantique, le sculpteur répond au goût de l’époque pour le satanisme. Quelques années plus tôt, le Faust de Goethe avait conclu son terrible pacte avec le Diable.
Grandes ailes de chauve-souris, dos velu, nez crochu, orteils aux griffes menaçantes, cornes torsadées qui se recourbent à l’arrière de la tête, l’artiste prête à Satan tous les attributs traditionnels qui suscitent l’effroi.
Et pourtant quelle étrange posture ! Recroquevillé, presque dissimulé sous ses ailes trop grandes, Satan semble bien mélancolique. Son corps musclé contraste avec l’impression d’abattement qui s’en dégage. Serait-il lui aussi atteint de ce « mal du siècle » dont, d’après Musset, souffrent les Romantiques ? Regardez, il semble se ronger les ongles dans un geste angoissé.
Satan est ici une figure de l’artiste solitaire et incompris qui dans son geste démiurgique défie le Créateur. L’ange déchu préfigure l’artiste maudit.
Et cette posture ne vous rappelle-t-elle rien ? Oui, c’est bien le Penseur que sculptera Rodin en 1880. Destiné à orner La Porte de l’Enfer, le Penseur représente le poète italien Dante, l’auteur de « la Divine Comédie » qui décrivit avec force détails les cercles de l’Enfer. Dans un dessin, le sculpteur Feuchère avait déjà représenté Dante dans une position similaire.
Image : Los Angeles County Museum of Art
Où voir l’œuvre : un exemplaire se trouve au Musée de la vie romantique, Paris.
Fameusement bonne cette analyse du diable.