Ce tableau de Petrus Christus, un peintre flamand du XVe siècle, nous transporte dans un atelier-boutique de Bruges, ville réputée pour ses orfèvres, à l’époque où les produits précieux arrivent du monde entier au port d’Anvers.
L’orfèvre, tout vêtu de rouge, est mis en valeur au centre de l’oeuvre, le visage tourné vers ses clients et éclairé par la fenêtre en arrière-plan. Ses longs doigts fins évoquent sa dextérité. D’une main , il tient une bague, de l’autre, une balance dans laquelle il pèse, avec précision, sa marchandise.
Son atelier est représenté avec force détails. A droite du tableau, des étagères fournies contiennent des aiguières où se reflète la fenêtre, montrant le soin de l’artiste à représenter la lumière qui met en valeur les matières précieuses. Sur l’étagère du dessous, on aperçoit un petit sac de perles, un autre contenant des pierres, et des bijoux déjà réalisés : un coffret de bagues ou encore des broches accrochées au mur. Avez-vous repéré le corail rouge ? C’est un élément très recherché en orfèvrerie. Pêché en Méditerranée, il permet de confectionner des perles comme celles que l’on voit sur le collier suspendu.
Si ce tableau met en valeur la boutique et son artisan, ce n’est pas un hasard. Ce tableau, commandé par la Guilde des Orfèvres de Bruges, est une publicité pour leur profession !
Bien après la réalisation du tableau, une auréole fut ajoutée au-dessus de la tête de l’orfèvre, afin qu’il figure Saint-Eloi, le patron de la profession. Ne la cherchez pas : elle fut retirée par la suite pour rendre à l’œuvre son apparence initiale.
A gauche, les clients, richement vêtus, sont un couple de fiancés. La femme, la tête coiffée d’une guimpe, avance avec concupiscence sa main vers la bague. L’homme a une main posée sur sa fiancée, l’autre sur son épée, symbole phallique par lequel il semble affirmer sa domination dans l’achat de la bague de fiançailles. Si son corps est tourné vers celle qu’il s’apprête à gâter, il a en revanche le regard tourné de l’autre côté : il lorgne sur la balance. Pas question de se faire avoir par l’orfèvre ! Avez-vous remarqué la ceinture posée sur la table, dans un équilibre aussi précaire que peu réaliste ? C’est une ceinture portée lors des mariages. Elle crée ici un trompe-l’oeil qui donne un effet de profondeur.
A droite de la table se trouve un petit miroir. Penchez-vous. Encore un peu.… Vous voyez l’extérieur de l’atelier : les maisons de Bruges mais aussi deux hommes qui observent l’intérieur. Peut-être nous ? Peut-être l’un d’eux est-il un autoportrait du peintre ? L’un porte un faucon, symbole de richesse… mais aussi de cupidité.
Cette scène vous rappelle le tableau « Les époux Arnolfini » de Van Dyck et le petit miroir à l’arrière-plan de la toile ? C’est normal : Petrus Christus s’est beaucoup inspiré de Van Eyck. Alors que ce dernier signait sur le miroir, Petrus choisit le bord de la table.
Où voir l’œuvre : Metropolitan Museum of Art, New York