Les époux Arnolfini – Jan van Eyck

Sur ce tableau, un couple se tient par la main dans la chambre d’un riche intérieur bourgeois, comme en témoignent le lit aux tentures rouges à droite,  le meuble à gauche où sont posées des oranges, fruits rares et  onéreux à la Renaissance, et le prie-Dieu au fond.

Dans ce couple, on a voulu voir les époux Arnolfini, Giovanni Arnolfini était un marchand de soie toscan qui vivait à Bruges.

Mais le tableau, à l’origine, ne porte pas de titre. Alors pourquoi les Arnolfini ? Dans l’inventaire de Marguerite d’Autriche en 1516 et jusqu’au XVIIIe siècle, l’homme est appelé Hernoul-le-Fin. Si on a associé son nom au marchand Arnolfini, Hernoul à la Renaissance signifie le cocu et saint Arnoul est le saint patron des maris trompés ! Il serait amusant d’imaginer que ce mari cocu pose avec sa femme, qui porte la coiffure traditionnelle de la Renaissance en forme de cornes, et son chien, ironique symbole de fidélité conjugale…

L’homme, main levée et l’autre tenant celle de son épouse, a laissé penser qu’il s’agissait d’une scène de mariage. Mais il y a peu de monde à ce mariage et surtout pas de prêtre… Un mariage secret en raison de l’état de l’épouse déjà enceinte comme le suggère la main posée sur son ventre arrondi ? Eh bien non ! D’abord jusqu’en 1563 et le concile de Trente, un prêtre n’est pas obligatoirement requis pour le sacrement du mariage. Enfin et surtout Madame n’est sans doute pas enceinte. La mode était aux petits seins et aux ventres proéminents, signe de fécondité. Les femmes n’hésitaient pas à rembourrer les robes d’un coussin pour accentuer la forme. Quant à la main, les règles de bienséances imposaient aux femmes de tenir leurs mains sur leur ventre en public en signe de politesse et de discrétion.

Ici, le secret se trouve peut-être au fond du tableau. Regardez, au-delà du couple, sur le mur se trouve un miroir surmonté d’une inscription : « Johannes de Eyck fuit hic 1434 », Jan van Eyck fut ici en 1434. Cela pourrait signifier que le peintre était témoin à ce mariage et que le tableau a presque valeur d’acte de mariage. A moins que ce ne soit la preuve que van Eyck lui-même se représente sur la toile en compagnie de son épouse Margaret…

Le miroir, quant à lui, est un « miroir de sorcière », un miroir convexe, donc légèrement bombé. Ces miroirs avaient la particularité de refléter l’ensemble de la pièce. Très utilisés par les marchands, ils étaient l’ancêtre des caméras de surveillance. Approchez-vous du miroir. Encore un peu…  Non seulement vous y voyez le couple mais aussi, les deux personnes qui lui font face, les témoins, un homme en rouge et un en bleu. On voit même à travers la fenêtre le ciel et le jardin. Le miroir donne donc une profondeur extraordinaire au tableau ! 

Mais ce miroir de sorcière ne nous jouerait-il pas des tours ? Approchez-vous encore : le couple ne se donne plus la main et le chien a disparu ! Simple erreur ? Ou annonce de la fin du couple ?

Un couple séparé par la mort ? En effet, cette oeuvre pourrait être une commande post-mortem, destinée à célébrer le souvenir de l’épouse défunte d’Arnolfini morte en couches. Cela pourrait expliquer que sur le riche chandelier du plafond (l’avez-vous remarqué ?) il n’y ait qu’une seule chandelle, symbole de vie, du côté de l’époux…

Gros plan sur le miroir

Cette publication a un commentaire

  1. AG

    Excellent suspens.
    Merci

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