Ophélie – James William Waterhouse

Littéralement, le nom de ce peintre anglais de la fin du XIXe siècle signifie « La maison de l’eau”. Or, Waterhouse est fasciné par l’élément liquide que l’on retrouve dans presque tous ses tableaux. 

Autre constante du peintre: il représente souvent comme ici des femmes rousses aux cheveux longs. Ce sont généralement des héroïnes de la littérature.

Mais qui est cette belle Ophélie ?

Les amateurs de Shakespeare auront reconnu l’amante d’Hamlet. Cette noble jeune fille du royaume du Danemark devient folle et meurt noyée face à la subite et brutale indifférence que lui oppose Hamlet qui ira même jusqu’à tuer son père.

Ophélie se noie en allant cueillir des fleurs, explique laconiquement la pièce. Suicide ? Accident ?

Les artistes du XIXe siècle s’emparent de cette figure féminine, qui joue un rôle mineur dans la pièce de Shakespeare. Elle prend alors son indépendance et existe désormais sans Hamlet. Symbole de la douleur amoureuse, de la folie et de la mort, elle fascine.

Waterhouse la représente dans une robe blanche qui suggère sa pureté, sa virginité. Ses bijoux rappellent sa noblesse. Elle se coiffe, a mis des fleurs dans ses cheveux : elle s’est faite belle, une dernière fois, pour celui qui l’ignore.

Les yeux fermés, elle détourne le visage du spectateur : elle est déjà ailleurs…

Derrière elle, la rivière, envahie de nénuphars, dans laquelle, quelques instants plus tard, elle plongera.

De l’Achéron de la mythologie grecque sur lequel Charon transporte les âmes jusqu’aux Enfers aux lacs et fontaines des fées médiévales, l’eau symbolise en effet le passage dans l’autre monde.

A la même époque, Rimbaud nous raconte la fin de l’histoire…

« Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles

La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,

Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles…

– On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie

Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;

Voici plus de mille ans que sa douce folie

Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle

Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;

Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,

Sur son grand front rêveur s’inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d’elle;

Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,

Quelque nid, d’où s’échappe un petit frisson d’aile :

– Un chant mystérieux tombe des astres d’or. »

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