L’avez-vous reconnu sur ce tableau, le Mont-Saint-Michel ? Cet îlot surplombé d’une gigantesque abbaye, qu’on surnomme aujourd’hui « La Merveille », portait autrefois le nom bien plus inquiétant de Mont Tombe.
C’est cet aspect lugubre qu’a su rendre, dans la plus pure tradition romantique, le peintre Théodore Gudin. Toute-puissance effrayante de la nature dans cet orage qui prend la forme d’un nuage sombre capable d’engloutir les constructions humaines et fait les remparts fragiles. Pourtant, un rayon descend du ciel, doigt de Dieu qui éclaire le bâtiment religieux, tout en verticalité, trait d’union entre le Ciel et les hommes.
Regardez-les, ces hommes, si petits au premier plan. Ils courent, s’agitent. Un cheval se cabre. L’orage gronde, la marée monte, les hommes sont des jouets aux mains de la nature.
Mais pourquoi une vision si sombre du célèbre Mont-Saint-Michel ?
D’abod, l’artiste s’inspire de son expérience de la mer, des naufrages dont il a été lui-même témoin. Après une formation au Collège royal de la Marine à Angoulême, il embarque pour New-York et s’engage dans la marine américaine. De retour en France, il se forme auprès des plus grands peintres de son époque et se spécialise tout naturellement dans les paysages marins, les tempêtes et les naufrages. A partir de 1830, il devient peintre officiel de la Marine royale.
De plus, si au début du XIXe siècle, le Mont-Saint-Michel commence à devenir un lieu touristique, il est aussi…une prison ! On y enferme notamment les opposants politiques. Ce fut le cas des républicains Blanqui et Barbès, ennemis de la Monarchie de Juillet. Au XVIIIe siècle, le Mont servait déjà de prison, portant le redoutable surnom de « Bastille des Mers ».
Au fait, ne manque-t-il rien dans cette représentation du Mont-Saint-Michel ? Eh oui, même si le bâtiment semble se dresser de toute sa hauteur sur le Mont, il n’a pas sa flèche avec, à son sommet, l’archange Gabriel terrassant le dragon. En effet, elle ne fut construite qu’en 1897 faisant culminer l’église abbatiale à 157 mètres.
Où voir l’œuvre : Musée Fabre, Montpellier.
Merci de m’avoir fait connaître Théodore Gaudin dont j’ignorais totalement l’existence.