Ce tableau est d’abord un double portrait, celui de Jean de Dinteville à gauche, le commanditaire de l’oeuvre, et celui de George de Selve à droite, évêque de Lavaur. Le premier, mis en valeur par ses vêtements luxueux, tout de soie, de velours et de fourrure, a une carrure imposante. L’or de sa dague et de la médaille de Saint-Michel, la plus haute distinction de la chevalerie française, rehausse encore son prestige. Il représente le pouvoir civil. A droite, Georges de Selve, beaucoup plus sobre dans son costume noir, représente le pouvoir religieux. Ils sont jeunes et leur âge est inscrit sur la dague pour Jean de Dinteville, 29 ans, sur le livre à gauche de Georges de Selve, 25 ans.
Ambassadeurs français de François Ier à la cour d’Angleterre, ils négocient avec Henry VIII une alliance contre Charles Quint qui menace la France.
Les deux hommes s’appuient sur un meuble qui contient des objets symboliques du savoir de la Renaissance. Sur l’étagère du haut, recouverte d’un tissu oriental, des objets liés à la connaissance du ciel : sphère céleste, horloge solaire, quadrants… Sur l’étagère du bas, des objets liés davantage à la terre : globe terrestre, livre de mathématiques, livres de psaumes, instruments de musique tels que le luth et les flûtes. Les matières du Quadrivium antique sont toutes représentées : arithmétique, musique, géométrie, astronomie. Le globe terrestre rappelle les grandes découvertes de la Renaissance, la présence des livres évoque l’invention de l’imprimerie.
Mais ce tableau relève aussi du genre de la vanité, genre qui rappelle à l’homme qu’il est mortel et que les passions et les activités humaines sont vaines face à la mort. Les objets portent en eux leur faiblesse ou leur inanité : certains sont renversés, le globe terrestre est à l’envers, une corde du luth est cassée, il manque une flûte dans les tubes, le livre de mathématiques est ouvert ou chapitre « division »…
La mort rôde déjà pour qui sait la voir. Regardez cette forme étrange au premier plan du tableau. C’est une anamorphose : si le spectateur se déplace vers la droite, il verra se développer un crâne, objet que l’on retrouve dans de nombreuses vanités. Et le reste du tableau, ces hommes jeunes et puissants, ces objets du savoir s’effaceront progressivement…
Que faire de notre vie alors si la mort nous guette ? Se tourner vers Dieu sans doute. Aviez-vous remarqué au fond à gauche, en partie masqué par les riches tentures vertes, ce Christ en croix ? Si l’on détourne les yeux des objets, Jésus ressuscite en ce jour de Pâques où le tableau est peint, le 11 avril 1533, indique le cadran solaire…