Les roses d’Héliogabale

Alors que les fêtes s’achèvent, je vous propose de découvrir la peinture d’un banquet somptueux. Un banquet, que dis-je, presque une orgie !

A l’arrière-plan, des hommes et des femmes sont attablés devant une montagne de fruits. Ils mangent allongés, comme il se doit dans un banquet romain. 

Le décor est luxueux : colonnes de marbre, estrade de porphyre, table et couches aux pieds travaillés, tapisserie aux motifs floraux sur la couche… 

Derrière les personnages, une statue en bronze représentant Bacchus, dieu de l’ivresse et des débordements sexuels, préside à ce banquet. Il est en compagnie d’Ampelus, son amant, qui, à sa mort, touché par Cupidon, se transforma en vigne.

La fête se déroule en  musique : à gauche, une femme joue d’un aulas, une flûte double qui est l’instrument des bacchantes. 

L’un des convives, aux joues très rougies par le vin et aux yeux fous, lève encore sa coupe. A la santé de ceux qu’ils regardent au premier plan !

Au premier plan, ce sont des hommes et des femmes que l’on devine allongés sur des lits. D’une toile située à gauche du tableau se déversent sur eux des milliers de pétales de roses,  comme autant de confettis. Les pétales dissimulent aux yeux des spectateurs leur débauche.

Cette scène célèbre le plaisir des sens : en musique, les plaisirs de la chère se mêlent aux plaisirs de la chair dans un décor qui ravit les yeux, sous le parfum suave des pétales de roses.

Et pourtant ! Ce tableau illustre en réalité un épisode terrible raconté dans l’Histoire d’Auguste, une biographie des empereurs romains datant du IVe siècle. Au IIIe siècle régna brièvement Héliogabale, un usurpateur qui déversait d’un plafond réversible, redoutable mécanisme, des violettes et d’autres fleurs, faisant ainsi mourir par asphyxie ses convives !

Observez le sourire cruel qui flotte sur le visage des convives tandis qu’ils regardent les victimes qui ne semblent pas conscientes encore de l’horrible sort qui les attend.

Pour ce tableau, Lawrence Alma-Tadema prend pour modèle des œuvres de l’Antiquité. Héliogabale, allongé à gauche de la table et revêtu d’or, est inspiré du portrait sculpté de l’empereur qui se trouve au Capitole à Rome. Quant au bronze représentant Bacchus et Ampelus, il reproduit une statue en marbre exposée au Vatican.

Et il aurait fait venir des milliers de pétales de la Côte d’Azur pour réaliser ce tableau. Le choix des roses (plutôt que les violettes évoquées dans l’Histoire d’Auguste) est symbolique : ses fleurs sont belles et dangereuses à la fois à cause de leurs épines.

La peinture de cet artiste préraphaélite est destinée au public bourgeois de l’Angleterre victorienne. Ainsi, c’est un riche ingénieur, John Aird, qui achète cet impressionnant tableau de 132 par 214 centimètres pour le salon de son épouse.

Or, Alma-Tadema prend un malin plaisir à  représenter la Rome oisive et décadente, qu’il voit comme le reflet ironique des bourgeois de son temps.

Cet article a 3 commentaires

  1. Raynaud

    Bonjour
    Je lis avec beaucoup de plaisir vos billets. Je me permets d’ailleur de les partager sur notre page associative, l’Éveil senlisien, qui mèle informations locales, présentation d’artistes, d’auteurs, histoire de notre ville et divers sujets.
    Je souhaiterais de temps à autre vous ajouter dans notre Gazette, en précisant bien sûr l’auteure et le lien pour vous retrouver. Accepteriez-vous ?
    Bon Dimanche

    1. Sylvia Roustant

      Bonjour,
      Oui, avec plaisir pour figurer dans l’Eveil senlisien.
      Bon dimanche.

  2. Josy

    bonjour,
    j’ai vraiment apprécié tous les commentaires sur les détails de ce grand tableau. il n’est pas que d’apprécier le talent de l’artiste, il convient d’en connaitre les représentations et les symboles, et j’ai un grand plaisir à vous lire?
    soyez en remerciée

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