Un coin de table – Henri Fantin-Latour – 1872

Sur cette toile, Henri Fantin-Latour réunit ses deux genres de prédilection : le portraits et la nature morte avec les oranges, le vin ou encore le grand bouquet à droite.

Le tableau s’inscrit dans une série de portraits de groupe réunissant les artistes célèbres de son époque. « Hommage à Delacroix » regroupe autour du portrait du défunt maître les peintres réalistes, « Un atelier aux Batignolles » réunit la génération des peintres impressionnistes. « Autour du piano » regroupe des musiciens. 

Dans « Un coin de table », ce sont des écrivains, ce que suggère le 4e personnage assis en partant de la gauche avec son livre et sa pipe. Oui, il faut le savoir, n’est-ce pas, parce que le spectateur d’aujourd’hui ne reconnaît plus personne ! Et même si je vous dis leur nom, cela ne vous évoquera pas grand-chose : la postérité a oublié leurs oeuvres ! Ce sont tous des poètes du Parnasse, ce mouvement qui prône l’inutilité de l’art, et ils gravitent autour de la revue « la Renaissance littéraire et artistique » dont le fondateur Émile Blémont est représenté debout en position centrale, la main dans la veste.

Tous tombés dans l’oubli ? Non, les deux personnages du « coin de table » nous sont encore bien connus : il s’agit de Verlaine et de Rimbaud.

Ils ont l’air de faire bande à part, comme pour souligner leur sulfureuse liaison, mais surtout parce que les autres écrivains supportent de plus en plus mal les insolences du jeune Arthur au cours de leurs dîners. Verlaine semble un peu petit et Rimbaud, la chevelure rebelle, a la tête un peu grosse…

Observez la table, la scène prend place en fin de repas : l’orange pelée, la carafe de vin devant Verlaine et Rimbaud presque toute consommée… Mais on ne semble guère s’amuser dans ce dîner qui réunit le groupe des « vilains bonshommes ». Costume sombre et strict, aucune interaction entre ces écrivains, chacun pose dans son coin, ignorant des autres…

Et pour cause, Fantin-Latour les a peints séparément dans son atelier. Figurez-vous que l’un d’entre eux, Mérat, a refusé d’être représenté sur le même tableau que Verlaine et Rimbaud. Qu’à cela ne tienne, pour que le groupe soit au complet, le peintre l’a remplacé…par le bouquet de fleurs à droite !

Où voir l’œuvre : Musée d’Orsay, Paris.

Laisser un commentaire